vendredi 26 septembre 2014

D’une baleine à l’autre… Histoire d’écriture entre langue(s) et identité(s)



C’était une rencontre avec Jean Portante à l’occasion de la sortie de son dernier livre « Le travail de la baleine. Poèmes 1983-2013 » et la soirée du mercredi 24 septembre était animée par Maria Luisa Caldognetto et présenté par Diego Lo Piccolo.  C’était dans la salle Maria-Rheinsheim, avenue Marie-Thérèse à Luxembourg.

Maria Luisa Caldognetto, Jean Portante et Diego Lo Piccolo. 


Diego Lo Piccolo a présenté Jean Portante et Maria Luisa Caldognetto en disant que la professeure Maria Luisa Caldognetto a beaucoup travaillé sur le rapport entre la culture et l’identité des personnes dans son association d’émigration.    Ici, ce soir-là, c’était la rencontre et le dialogue entre ces deux personnes de la culture au Luxembourg.



Maria Luisa Caldognetto et Jean Portante
  

Maria Luisa Caldognetto et Jean Portante

Maria Luisa Caldognetto a dit que dans « D’une baleine à l’autre…qui vient de sortir, on retrouve la baleine, un thème introduit dans les années 80… Cette baleine-là est un véritable bestseller.  Ici, Jean reprend la métaphore, tout ce qui est le processus de l’identité migratoire.  Le livre rassemble 30 ans d’écriture ».  Jean a dit, comme tu le vois, 30 ans de poésie.  Cette baleine dans le roman et le mot repris en 2013, ça clôt quelque chose.  Ça peut être la mémoire de la baleine.  Quelque chose qui se serait enfui et qui revient à la surface pour respirer.  On peut parler de métamorphose.  La baleine est un mammifère, animal de la terre qui a décidé de migrer vers la mer pour s’adapter à la vie maritime.  De l’Italie à ailleurs au Luxembourg (la mer) et la métamorphose est pour pouvoir vivre dans le territoire.  Chaque migrant n’est déjà plus ce qu’il était et il n’est pas encore, c’est « l’entre » (Pierre Joris était avec nous).  « L’entrologie, c’est la science de vivre entre ce qui n’était déjà plus et ce qui n’est pas encore».  Chaque migrant part par nécessité.  On garde toujours des éléments d’avant qu’on ne va pas sacrifier.  La baleine, c’est le poumon pour respirer.
-L’essentiel : un roman est écrit avec des mots.  Il s’agit d’une langue.  Il s’agit de la langue française.  En réalité, il n’avait pas écrit en français, mais dans « une langue baleine », du français avec à l’intérieur un poumon italien donc qui respire l’italien.  Chaque écrivain se forge une langue qui n’existe pas, une étrange langue, une langue effaçonnée.  La baleine enlève des pattes et elle ajoute des nageoires.  Le travail de la baleine rencontre ce travail de forger une langue, qui est à lui.  La langue vient d’un certain endroit et elle traverse les continents et devient ce qu’elle est.  L’être humain qui se répartit de par le monde et ça va en s’enrichissant et avec mon identité.  J’ai la même chose. 
L’identité.  Identique.  Nous sommes tous les mêmes, en même temps personnel : j’ai mon identité.  Chaque être humain est égal à l’autre.  Chaque culture contient toutes les cultures et chacun a à apporter quelque chose.
-Le rapport entre langue(s) et identité(s) :
Chaque langue contient toutes les langues.  Dans la langue française, on peut prendre n’importe quel mot et on peut le retracer à des moments reculés.  Si on enlève les mots d’origine…Il ne reste plus rien.
-Pourquoi on insiste sur le thème de langue comme thème identitaire ?
Le réflexe de la peur est de se replier dans ce qu’on peut voir, le cocon.  L’adaptation n’est qu’un enrichissement en côtoyant les autres.  Personne ne l’a forcée, alors que l’intégration : on l’a forcée.  La richesse humaine est culturelle et économique.  
Maria Luisa Caldognetto a dit qu’on reconnaît l’écriture de Jean Portante, ses thèmes qui reviennent, la lumière et l’ombre ».   La présence de la famille est importante.  Jean a précisé le père et la mère, l’instrument que maniaient les siens, la pelle.  Père se dit en italien, mais veut dire la peau.  La mort de son grand-père en 1938 l’a marqué.  Il a laissé sa peau en maniant la pelle.
Conception.  Il l’a écrit quand sa mère était en train de mourir à l’hôpital.  Cela a duré quatre mois.  Sa mère s’appelait Concetina.
Son père meurt en 95, d’où le cerf qui traverse le livre.  Sur la route, à cette époque-là, il rencontre un cerf, juste avant que son père ne meure.  Le cerf lui transperce le parebrise et plante le bois entre sa compagne de l’époque et lui-même (depuis, il s’est séparé de cette compagne-là).  En fait, les braconniers le suivaient et il a choisi une mort.

La langue maternelle, c’est une langue parlée.  Jean dit que sa langue maternelle s’est éteinte avec sa mère et le tremblement de terre.
Jean a dit que « D’une baleine à l’autre… » rassemble tous ses poèmes à l’exception des trois premiers, qui étaient un travail de sondage.  Il a relu ses livres et il s’est rendu compte que le mot « effaçonné » est dans un poème de 86.  Toutes les choses étaient là, mais il ne s’en rendait pas compte.  Il ne peut pas faire un ordre chronologique mais le roman de sa poésie avec des thèmes.  Il n’y a pas de table des matières dans « D’une baleine à l’autre… ».  C’est un roman.  La table des matières a été effacée pour ne pas penser que c’est un recueil de poèmes.
-L’ombre, l’oubli sont des thèmes universels.  L’horizon, le vertige, l’Italie, Intercalaire.
C’est le roman de sa poésie avec cette langue baleine et thématiquement construite et en même temps, ça clôt une histoire.  C’est « collectic ».  Il n’y a pas de mot en français.  « Selectic » se rapporte à l’anthologie.  La cendre des mots.  À chaque vers correspondait quelque chose dans la biographie.  Tout le temps il y a des choses liées à sa personne. 
On est toujours lié à ce qu’on a vécu.  À chaque image, il y a des personnages, des situations que Jean a vécues.  Il y a un instrument qu’il utilise beaucoup, la pelle.



Jean Portante a dit que «  la communication, c’est emballer du beau qui a l’air bien mais qui est vide ».
Jean Portante écrit en ce moment « L’architecture des temps instables ».  Il dit que le poète sauve la parole humaine.  La poésie, c’est revenir à ce que les mots sont, à ce que l’imaginaire est.  La poésie, c’est la langue « humaine », c’est une résistance, quand on écrit contre ceux qui cassent la langue.
La poésie dit le contraire de ce qu’on est en train de faire.  C’est un enrichissement de l’imaginaire de l’humain.
Voilà, vous comprenez pourquoi j’ai aimé la soirée,

Nadine Kay



Jean et …la dédicace !
 


Pour plus d’informations sur le sujet :
  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire